Zhen était trop jeune pour avoir des souvenirs précis de Foshan, sa ville natale. Tout ce dont il se souvient, c'est l'ambiance de la salle d'entraînement dirigé par son père. Les bruits secs des enchaînements fait sur l'homme en bois, les chocs des chutes, ces petits bruits témoignant d'un travail aussi acharnés que concentrés. Ces petits bruits qui s'espacèrent à mesure que les élèves désertèrent l'entraînement. Et son père qui accusait le coup, restant stoïque au centre dans la salle, quel que soit le nombre d'élèves, malgré le fait que cela les condamnait lentement, mais sûrement à la précarité. Il n'entendit jamais son père en vouloir à ces anciens élèves. Si sa mère émettait des reproches, surtout aux heures de repas qui devenait de plus en plus frugale à cause de leur finance, le chef de famille prenait toujours la défense de ces 'déserteurs'. La vie devenait de plus en plus dure, normal de consacrer son argent pour autre chose que le kung-fu.
Dans ces conditions, la seule solution était de serrer les dents, se débrouiller au mieux et nourrir l'espoir que les choses s'arrangent. Un espoir qui ne tarda pas à porter le nom de 'rêve américain'. La famille Law et beaucoup d'autres avait quitté leur maison à cause de cet espoir. Comme les autres, ils étaient partis en laissant tout derrière eux afin de démarrer une nouvelle vie dans le quartier de Chinatown à Gotham. C'était en 1974, Zhen n'avait que cinq ans et ne comprenait pas grand chose à l'aspect peu légal de cette entrée en Amérique. Tout comme il était bien trop jeune pour comprendre que la générosité du Lotus Noir à leur égard n'était qu'une façade, une gentillesse à double tranchant quand on l'acceptait. Il ignorait que chaque aide pour s'installer demandera paiement plus tard, tout comme le voyage qui les avait conduits à Gotham. Pour son jeune regard, les membres du Lotus Noir étaient des héros, ceux qui aidaient les démunis de Chinatown. Personne d'autres ne faisait attention à eux, la police ne passait que trop rarement dans ce quartier, alors il était normal de penser qu'il fallait se serrer les coudes entre habitants.
Zhen ne comprenait pas pourquoi son père se montrait aussi froid avec leurs sauveurs. Ils venaient souvent prendre de leur nouvelle, avait toujours un sourire ou un geste affectueux à son encontre avant de suivre son père pour continuer cette 'discussion de grandes personnes' comme il le disait lorsque Zhen demandait des détails. Ensuite, le garçon commença l'apprentissage du Wushu, ce qui ne lui laissa plus vraiment le temps de laisser vagabonder son esprit sur ce genre de question.
Ces journées devinrent bien remplies, ne comprenant quasiment aucun temps libre :
Le matin, il se levait très tôt pour faire des exercices d'assouplissement, quelques mouvements de Taichi en compagnie de sa mère avant de l'aider pour la cuisine, le ménage, etc.
Ensuite, il apprenait ses leçons en silence tandis qu'elle se rendait à son travail, un travail de couture dans un atelier d'après ce qu'il en avait compris, sans chercher plus loin. N'allant pas à l'école, il devait se contenter d'apprendre via les manuels scolaires qu'on lui ramenait. Il ne sut jamais la provenance de ces cahiers, et ne fit aucun commentaire sur les indices laissant clairement comprendre qu'il n'était pas le premier propriétaire de ceux-ci. Rien n'était en anglais, un autre détail qui semblait sans importance puisque peu de personnes de leur entourage savaient parler cette langue.
Après, c'était son père qui prenait la relève et Zhen se retrouvait devant l'homme en bois pour s'entraîner au Wushu. Zhen se souvenait parfaitement du moment où le matériel avait été déposé dans leur appartement, l'homme en bois prenait une grande partie de leur espace déjà restreint, mais il était hors de question de s'en débarrasser. C'était à partir de ce moment-là que la famille Law eut vraiment la sensation d'être
"chez eux".
S'il en avait le temps, le garçon retournait à ces devoirs jusqu'au retour de sa mère, alors il l'aidait de nouveau dans ces tâches quotidiennes et, après le repas, retournait devant l'homme en bois pour répéter ces exercices jusqu'à s'écrouler de fatigue. Jusqu'à ce qu'un nouveau jour se lève et que sa routine recommence, encore et encore, un jour après l'autre.
La famille s'agrandit une dizaine d'années plus tard avec la naissance d'un petit frère, Chao. Maintenant qu'il était l'aîné, il devait être irréprochable, sacrifier du temps pour s'occuper de son jeune frère, lui montrer l'exemple, en plus de tout ce qu'il devait déjà faire au quotidien. À cause de la forte différence d'âge, il agissait plus souvent avec une attitude à la limite du paternel que du fraternel.
Parce qu'on attendait de lui qu'il soit parfait, encore plus qu'avant, l'aîné des Law devint facilement irritable et bagarreur. Toute cette pression devait bien sortir d'une manière ou d'une autre.
Sa vie était quasiment scindée en deux. Chez lui, il restait l'aîné irréprochable, l'élève acharné de son père, l'aide précieuse pour sa mère, le modèle à suivre pour son petit frère. Puis, il y avait l'autre facette, celle qu'il prenait en sortant de son petit cocon familial, en rognant sur le temps normalement consacré aux études. Il se fit une place à la dure, usant des techniques apprises par coeur avec les années d'entraînement, auprès de jeunes de son âge qu'on pouvait ranger facilement dans la case 'mauvaises fréquentations'. Ils traînaient au hasard, buvaient de l'alcool, fumaient, cherchaient parfois les embrouilles histoire de faire monter un peu l'adrénaline dans cette vie affreusement banale, etc. Un comportement radicalement opposé à celui exemplaire qu'il devait garder à la maison et cela lui fit un bien fou.
À 16 ans, il fut approché par un membre du Lotus Noir. Zhen n'oubliera jamais ces mots
"Hey, petit, tu as l'air agile, tu veux te faire un peu de fric ?" Oui, cela peut vous sembler idiot qu'une phrase aussi banale demeure gravé dans son esprit, mais l'admiration de l'adolescent pour la mafia chinoise était toujours aussi grande que durant son enfance. Il avait accepté, sans conditions et sans poser de questions. Il avait trop peur que le moindre mot de travers face changé d'avis son interlocuteur.
Cela commença par des petits jobs faciles. Livrer un colis, porter un message, casser des vitres, les mots d'ordre étaient de ne pas se faire voir, ce qui demandait rapidité et agilité. Zhen enchaînait les missions et revenait chez lui avec de quoi mettre un peu de beurre dans les épinards. Même les remarques désapprobatrices de son père ne pouvaient faire diminuer l'orgueil que l'aîné ressentait à travailler indirectement pour le Lotus Noir. Sa mère se montrait beaucoup plus indulgente sur la provenance de cet argent, sachant apprécié les petits plus que cette aide apportait à leur quotidien précaire. Rien de faramineux, bien sûr, mais c'était toujours mieux que rien.
Avec les années, les missions confiées se corsèrent, jusqu'à sa rencontre avec Monsieur Ying, qui officialisa son appartenance au Lotus Noir. Un grand honneur, quoi qu'en dise son père. Oui, la tension n'avait cesser de grandir entre le père et le fils pour arriver à son point de non-retour lorsque Zhen avait marqué le grand jour de son appartenance officiel à la mafia avec son premier tatouage. L'aîné des Law parti, sous le regard triste du reste de sa famille. C'est à cette époque que Monsieur Ying le prit définitivement sous son aile et que le Lotus Noir devint sa seconde famille. Il ne revit plus jamais son père. Monsieur Ying avait prit ce rôle dans son coeur, rendant inébranlable sa fidélité et sa loyauté envers lui. Il lui devait tout, et bien plus encore. C'est vrai, il faisait de 'mauvaises choses' en son nom, dans ce travail dont l'illégalité (chose qu'il ne pouvait comprendre durant ces jeunes années) était à présent évidente. Et alors ? Il le fallait pour survivre dans ce monde et Zhen croyait son chef lorsque ce dernier déclarait le faire pour le bien des habitants de Chinatown.
1998, deux ans avant qu'une certaine chauve-souris ne fasse parler d'elle. Le système judiciaire de Gotham n'était pas encore totalement corrompu, en tout cas pas autant que les mafias le désireraient, certains représentant de l'ordre voulaient faire leur job (aussi irréaliste que cela pouvait sembler l'être) ou peut-être simplement parce qu'ils prenaient parti pour les autres mafias de Gotham, dans les deux cas, ils lorgnaient de plus en plus du côté de la mafia chinoise en rêvant de pouvoir faire tomber la tête de leur chef.
Un jour, ils crurent le tenir, durant un énorme coup de filet qui avait certainement demandé beaucoup de préparation. Sauf que toutes les preuves, tous les témoignages pointaient dans une direction et ce n'était pas vers le chef du Lotus Noir, mais vers un de ces membres : Zhen Law. Zhen devint le bouc émissaire parfait pour empêcher les accusations de se porter sur monsieur Ying, un rôle qu'il endossa de son plein gré. Le Lotus Noir était trop important dans la vie de Chinatown pour laisser la police menacer d'en couper la tête.
En travaillant pour le Lotus, l'aîné des Law avait appris quelques notions d'Anglais, mais ces maigres connaissances étaient insuffisantes pour comprendre tous les arguments et tournants ayant lieu durant son procès. Il se contenta de tenir le rôle qu'il devait endosser, sans chercher à faire de l'esbroufe ou de l'excès de zèle. Personne n'était dupe, mais les preuves manquaient pour le prouver, ainsi, indifférent au fait d'entacher le nom des Law, Zhen fut incarcérer à Blackgate.
En prison, on ne pouvait pas le qualifier de 'prisonnier exemplaire'. Accro au danger, le milieu relativement tranquille de la prison ne lui convenait guère. Il donnait plutôt l'impression d'être une bombe à retardement, le moindre prétexte servait à déclencher une bagarre. Zhen enchaînait les jours en isolement, ce qui fait qu'il apprenait beaucoup d'évènement marquant pour Gotham avec un temps de retard. Comme, par exemple, les exploits de ce Batman.
Ironiquement, c'est grâce à la prison qu'il renoua des liens avec sa famille, particulièrement son frère, Chao, qui lui rendait visite aussi souvent que possible. Son jeune frère ne parlait quasiment que du Batman, quel exemple d'espoir il donnait à la ville. Au début, Zhen croyait que son frère plaisantait puis il le traita de naïf surtout lorsque Chao exprimait son désir d'être comme ce justicier masqué.
"Tu crois que le Lotus Noir nous protège, qu'on doit les remercier, mais ce n'est qu'un règne de la terreur. Qu'à fait le Lotus Noir pour nous ? À cause d'eux, mon frère est en prison, notre nom est sali et notre famille a été divisée. On croit en eux, parce qu'on ne peut se tourner vers personne d'autre, mais peut-être que je..." Expliquait avec passion Chao. Zhen n'avait pas tardé à interrompre son cadet afin d'essayer de lui remettre les pieds sur terre.
"Que tu quoi, Chao ? Papa t'apprend deux trois passes de kungfu et tu crois que c'est suffisant ? Tu crois que tu pourras esquiver les balles ? Sois réaliste, ce n'est pas un jeu !" Emporté dans son argumentation, il n'entendit pas la phrase marmonnée par son frère tandis que ce dernier baissait la tête.
"Certaines causes valent la peine de prendre le risque, mon frère."Zhen espérait avoir réussi à mettre un peu de plomb dans la cervelle de son cadet, mais, au fond, une part de lui se doutait que Chao n'eût pas renoncé à son projet, peut-être même qu'il avait été assez fou pour le concrétiser. En tout cas, l'absence de visite après cette discussion ne le rassurait pas du tout. Il soupçonnait que son petit frère ne reviendrait le voir que lorsqu'il aura la preuve d'avoir eu raison.
L'inquiétude grandissante pour son frère le força à calmer son comportement. Il ne voulait pas risquer de rater une nouvelle, bonne ou mauvaise, à cause d'un séjour en isolation. Surtout lorsqu'en automne 2003, un fou grimé comme un clown passa à la télévision en menaçant de tuer des innocents tous les jours jusqu'à ce que le Batman tombe le masque publiquement. Comment ne pas penser à Chao et son discours naïf lorsque le Joker tua un des imitateurs de la chauve-souris juste après cette annonce ?
L'année qui s'écoula parut duré une éternité. C'était la première fois que Zhen regrettait d'être en prison. Jusqu'à présent, il avait toujours accepté ce sacrifice au nom de l'organisation, mais, désormais, il réalisait combien il était impuissant face aux évènements en étant condamné à rester derrière les barreaux de Blackgate.
Même lorsqu'une évacuation par bateau se révéla être un piège du Joker, ses pensées étaient plus tournés par la possibilité que son frère soit dans l'autre ferry que sur ces risques de mourir.
Pourtant, cette nouvelle qu'il redoutait tant d'apprendre n'arrivera que huit ans plus tard. Il reçut une visite, mais ce ne fut pas Chao, comme il l'avait espéré. En voyant un de ces anciens camarades de la mafia, Zhen avait senti son cœur se serrer. Il présentait déjà ce qu'on allait lui annoncer. Ces anciens camarades ne lui avaient jamais rendu visite. Quelque chose de grave devait s'être passé.
Chao était mort. Il avait tenté d'entraver une opération du Lotus, et ce n'était pas la première fois qu'il essayait ce genre
"d'exploit". Le chef devait faire un exemple. Cette information était déjà un choc pour Zhen, mais il n'était pas au bout de ces surprises puisque lorsqu'il laissa échappé que
"Monsieur Ying n'aurait jamais fait cela", son visiteur lui annonça que ce n'était plus lui qui commandait, mais sa femme Wen Fang.
En une seule visite, Zhen venait d'apprendre qu'il avait perdu son frère et l'homme qu'il admirait. Qu'importe son admiration l'aveuglait sur le véritable caractère de monsieur Ying. Le choc fut dur. Il s'en voulut pour beaucoup de choses, de n'avoir pas su trouver les mots justes pour dissuader Chao, de n'avoir pas été là. L'incompréhension et les remords firent place à un autre sentiment, celui de la vengeance.
Son dévouement envers le Lotus Noir fut ébranlé par le désir de retrouver qui avait participer à l'exécution de son frère et de le venger, tel des fausses notes dans une partition. Cette décision le mènerait certainement sur un chemin sans retour et il s'en moquait.
Alors qu'un criminel nommé Bane faisait parler de lui, Zhen en était à l'ébauche de son projet de vengeance, jusqu'à ce que la prise de contrôle de Gotham lui offre une occasion inespérée de retrouver sa liberté.
Il retourna à Chinatown, pour son projet, mais surtout parce qu'il n'avait nul part où aller, se sentant aussi perdu que déboussolé loin des bâtiments familiers de Gotham Heights.
En se rendant au restaurant l'Origami, Zhen offrit un spectacle qui, il le savait, plairait à la nouvelle dirigeante de la mafia. Boiteux, misérable, suppliant pour obtenir la protection de la Veuve Noire. L'ex-détenu cacha rancune et rage de devoir courber l'échine devant celle qui avait orchestré la mort de son frère, mais il tenu bon, comme dans son enfance où il devait afficher une autre attitude face à sa famille. Wen Fang accepta, avec des allures d'impératrice accordant une grande faveur, de le prendre sous son aile comme l'avait fait son mari avant elle.
Le chaos provoqué par Bane renforça la dépendance des habitants de Chinatown à la mafia chinoise. Zhen jouait les chiens dociles, faisait de son mieux malgré la blessure à la jambe qu'il prétextait avoir eu en prison, mais c'est à ce moment précis qu'il comprit les paroles prononcées par son frère lors de sa dernière visite sur le règne de la terreur exercé par l'organisation qu'il servait.
Il aurait pu profiter de ce chaos pour obtenir vengeance, mais il préféra jouer la carte de la prudence. C'est vrai, il se moquait de perdre la vie pour venger celle perdue de son frère, mais il voulait s'assurer d'avoir la tête de la responsable, Wen Fang Ying, chose qui allait demander de la patience.
Zhen était retourné auprès de sa mère, seul membre de sa famille qui lui restait. Ils purent pleurer les disparus ensemble. Comme il était étrange de retrouver son ancienne chambre après toutes ces années, rester quasiment à l'identique dans l'espoir qu'il revienne. La plus grande surprise fut lorsqu'il trouva une clef en époussetant un vieux jeu dont Chao et lui adorait faire des parties, une des rares activités qu'ils avaient en commun en dehors des entraînements de leur père. Un mystère qui attendra le retour au calme de Gotham pour être résolu.
Batman était mort pour sauver la ville, la population se remettait tant bien que mal aux derniers événements ayant chamboulé l'organisation de Gotham. Zhen s'était vu accorder (car on lui faisait bien comprendre que c'était un immense service d'obtenir ce travail) un poste dans les cuisines de l'Origami, ce qui lui assurait une certaine sécurité par rapport à son statut d'évadé.
Peu de temps après, il découvrit ce qu'ouvrait la clef trouvée dans son ancienne chambre, et, lorsqu'il sortit le masque noir du compartiment secret dans l'armoire, les projets de vengeance de Zhen prirent une allure bien plus précise. En un regard sur le costume, il sut ce qu'il devait faire.
Au début, il ne devait s'agir que de vengeance. Attendre le bon moment, enfiler le costume et venger son frère en commençant en bas de l'échelle, jusqu'à atteindre la tête pensante. La nouvelle façon dont le Lotus Noir était dirigé le confirmait dans sa décision. À ces yeux, celle qu'on surnommait la Veuve Noire était trop gourmande. Ils étaient réduits à faire alliance avec la mafia italienne ! Juste pour une question de territoire à agrandir.
Zhen camouflait toute cette révolte, tous ces changements qu'il désapprouvait. Il continuait de jouer son rôle de chien docile et d'attendre une occasion. Celle-ci arriva trois ans plus tard, lorsque des rumeurs sur le retour du Chevalier Noir commencèrent à circuler. L'ex-prisonnier sut que c'était le moment de frapper.
En trois ans, il avait eu le temps de réfléchir au moindre détail. Ses premières cibles étaient des gens qu'il avait connus, avec qui ils avaient travaillé avant son séjour en prison, ce qui rendait leur part de responsabilité dans la mort de Chao encore plus douloureux. Zhen endossa le costume et les coinça alors qu'ils réclamaient la part de protection pour un commerce à l'heure de la fermeture. C'est à partir de là que tout était parti de travers, que ses actions ont commencé à s'écarter de son projet initial. Le gérant avait cru que son intervention visait à l'aider, et c'est vrai que d'une certaine manière, c'est ce qu'il avait fait.
"C'est Chaofeng." Lui avait dit sa mère au cours d'une conversation autour du petit-déjeuner. Devant le regard interloqué de son fils, elle poursuivit.
"L'homme au masque, ils l'appellent Chaofeng. Ne me regarde pas avec cet air idiot, tu sais ce que ce nom veut dire." Bien sûr qu'il s'avait. Chaofeng, le troisième fils du dragon, on trouvait des statues de lui sur certains toits, en guise de protection spirituel. Comme son fils gardait le silence, la vieille dame enchaîna.
"On disait qu'il était mort, mais il a sauvé monsieur Wang l'autre jour. Il est revenu du monde des esprits, exactement comme le batman." Feintant une perplexité grandissante, mais avec la froide impression que sa mère voulait en venir, Zhen se décida à parler.
"Pourquoi tu me racontes tout ça ?" Et sa mère de lui répondre avec un sourire mystérieux et un regard pétillant de malice :
"Pour rien. Je me suis dit qu'il fallait que tu le saches, c'est tout."Cette conversation résonna dans sa tête le reste de la journée. Zhen eut l'impression que certain secret, même les mieux préparés ne pouvaient pas tromper le regard d'une mère.
Avec cette nouvelle drogue qui circulait, la guerre des gangs qui éclata peu de temps après, ce qui n'était qu'une vengeance devint un peu plus compliquée, un peu moins égoïste. Chao le lui avait dit, les habitants de Chinatown respectaient le Lotus Noir parce qu'ils n'avaient personne d'autre auprès de qui se tourner. Mais à qui pouvait-il demander de l'aide lorsque la mafia se lançait dans des guerres de territoires sans se soucier des conséquences sur les gens ordinaires ? Il fallait quelqu'un pour les protéger, et ce n'était certainement pas du côté de la police ou de cette Clarice Reynolds qu'il fallait chercher.
Plus cette double-vie durait et plus il prenait le risque d'être découvert. Pourtant, il prit le risque.
Certaines causes valent la peine de prendre un tel risque.