Gotham 1987, un vendredi matin, sur le chemin de l'aéroport.

La radio vomissait un flux régulier d'informations d'une voix monotone à laquelle se mêlait les bruits du trafic et des klaxons des gens pressés. Les embouteillages à Gotham étaient une vraie plaie. C'était toujours ce que disait son père. Le gyrophare, lui, n'était pas allumé. Dommage, il aurait aimé voir les autres voitures s'écarter devant eux, comme dans les dessins animés, quand les gentils policiers prenaient en chasse les méchants voleurs. Oui, ça, ça lui aurait plu...

La grisaille n'avait pas quitté la ville depuis des semaines, il faisait froid dehors, peut-être qu'il neigerait bientôt. Il souffla sur la vitre glacée pour former de la buée. Avec son index, il tenta d'écrire son prénom mais il n'y avait plus assez de place pour le "W", alors il souffla à nouveau.

- Tiens toi tranquille gamin ! John donne lui un truc pour qu'il s'occupe, il me dégueulasse les vitres ! L'homme lui lança un regard sévère par l'intermédiaire du rétroviseur intérieur tandis que le prénommé John fouillait dans les rangements de sa portière. On lui tendit un livre illustré, une histoire de lapins et de moutons totalement inintéressante. Il s'obligea cependant à tourner les pages  pour faire plaisir aux adultes qui l'observaient.

- Byron ! Chuchota John à son coéquipier, malheureusement pas assez bas pour échapper aux oreilles fines du petit garçon. C'est vrai c'que les gars ont dit ? Qu'ils l'avaient trouvé assis au milieu à attendre calmement ? Le conducteur se racla la gorge, gêné. L'enfant senti à nouveau les regards se poser sur lui, il les ignora.

- Ouais ! Pauv' gosse ! Il a dû perdre la raison...C'était un vrai massacre !

- Hum...N'empêche, moi il me fout les jetons !

Le petit garçon continua d'observer en silence le gentil mouton aider le petit lapin à traverser la rivière. La gorge nouée, les larmes aux yeux, il s'imaginait lui aussi tenter de traverser ce même cours d'eau. Mais cette fois, aucun animal ne viendrait l'aider car il était un humain et c'était bien connu, les humains étaient...des monstres.

Seattle 1990, un samedi soir, chez Madame Thorne.

L'eau gelée se déversait sur ses mains. La morsure du froid allait bientot disparaitre. Encore quelques minutes et bientôt, Matthew ne sentirait plus rien. Levant la tête, ses yeux bleus verts tombèrent nez à nez avec son reflet au visage tuméfié. C'était bête, pendant un bref instant, il avait cru apercevoir un ami, un autre lui, plus courageux, qui se serait mieux battu que lui contre les autres à l'école. Un double qui n'aurait pas pleuré quand sa grand-mère lui avait frappé les mains avec un baton pour le punir de s'être bagarré.